La ministre Stéphanie Vallée propose d’élargir les pouvoirs du Commissaire aux plaintes en matière de reconnaissance des compétences professionnelles des immigrants. Depuis la création de ce poste en 2010, le Commissaire ne reçoit qu’une dizaine de plaintes par année. En fait, 73 plaintes en tout! De ce nombre, 45 plaintes n’ont pas eu de suite. Cela est cher payé la plainte! Vaut mieux occuper le Commissaire et lui demander d’enquêter sur les cégeps, les universités, les accords de mobilité internationale, les centaines de règlements en vigueur et… prétendre que cela s’avère une réponse aux difficultés d’intégration des immigrants aux professions réglementées au Québec. Permettez-nous d’en douter!
Dans un document présenté le 22 février à la Commission parlementaire des institutions, le Commissaire justifie sa demande de pouvoirs d’enquête élargis en s’appuyant notamment sur un questionnaire adressé aux 46 ordres. Il dresse un portrait catastrophique de tous les ordres à caractère anecdotique et sans documenter de façon précise. Les accusations abondent: omission, inopérants, incohérence, complexité, non-conformité, manque de sensibilité, trop de standardisation, désuets, caduques, approche erratique, non réglementaire, confusion, biais systémique menant à la discrimination, etc. Aucun ordre n’a trouvé grâce à ses yeux! Il ajoute même que « des ordres peuvent inconsciemment se retrouver en situation de non-conformité… » Nous aurons donc un super-commissaire enquêteur analyste de la psyché des ordres.
Le Conseil interprofessionnel du Québec considère cette proposition inefficace, technocratique et coûteuse. Si le gouvernement juge nécessaire de revoir l’ensemble de la réglementation concernant la reconnaissance des compétences et changer la base du système professionnel qui repose sur l’équivalence de la formation acquise au Québec , qu’il le dise et qu’il propose un livre blanc à la consultation générale et qu’il évite de juger sans procès les 46 ordres qui appliquent les règlements autorisés par l’état. Le lynchage public des ordres qui sont des institutions créées par l’état n’apporte aucune solution porteuse pour l’avenir.
Nous avons proposé à la ministre un amendement urgent au projet de loi pour faciliter l’intégration des spécialistes immigrants, notamment des médecins vétérinaires et des dentistes. Or, l’Office des professions préférerait plutôt une révision complète de l’obtention d’un certificat de spécialiste au Québec. Cela nous apparait être encore une démarche longue et ardue, sans effet immédiat. Nous espérons que la ministre retiendra le caractère pratique de notre proposition.
De façon générale, l’urgence d’agir porte sur l’accès aux stages et aux formations d’appoint qui permettraient aux professionnels immigrants d’exercer au Québec. Les ordres reçoivent environ 4,500 demandes par an, le taux d’acceptation entre 2012-2015 fut de 93,4%. Signalons que 10 ordres reçoivent plus de 80% des demandes. Il faut cibler nos efforts sur ces professions. C’est une démarche que nous avons amorcée avec la Chambre de commerce de Montréal. Toutefois, plusieurs de ces acceptations sont assujetties à une condition de stage que les employeurs privés et publics n’offrent pas. Des centaines de personnes attendent que le gouvernement agisse pour l’offre de stages. Soyons sérieux, l’intégration professionnelle des immigrants requiert des solutions concrètes et immédiates.
par Gyslaine Desrosiers, infirmière, présidente du Conseil interprofessionnel du Québec, regroupant 46 ordres professionnels